Vivamus Elladan d'Imladris, un nom qui ne dit peut-être pas grand chose à la plupart des habitants de la Terre du Milieu. Si mon nom, de même que celui de mon frère jumeau, Elrohir, sonne juste aux oreilles des elfes et autres Dunedain, le reste de la Terre du Milieu, pour ceux qui ont un jour entendu parlé d'Imladris, ma cité natale, connait bien davantage le nom de mon père, le Seigneur Elrond d'Imladris, ou encore celui de mes grand-parents maternels, les Seigneur et Dame Celeborn et Galadriel de Lorien. Sans oublier bien entendu l'inoubliable, Arwen Undomiel, l’Étoile du Soir de notre peuple, et notre sœur cadette de plus d'un siècle, considérée par nombre des nôtres comme la plus belle des elfes, même si à mes yeux, elle ne surpasse pas notre mère, Celebrian.

Que dire de mon enfance? Aussi fidèle à mon frère qu'il m'était fidèle, nous étions un duo infernal multipliant les catastrophes. Rien de grave, ou de vraiment méchant, du moins pas volontairement, mais je dois avouer qu'il nous est parfois arrivé de ne pas être très malins dans nos actions, au point de faire s'arracher les cheveux de notre père ou la résolution du mystère du début de calvitie du seigneur Elrond ou rendre notre sœur complètement folle. Ouais, une petite sœur, c'est la victime idéale pour deux frangins aussi complices que nous. Enfin, après quelques recettes de cuisines ratées, une domestication de warg échouée et deux trois autres trucs pas franchement plus futés, nos parents et nos grand-parents devaient suffisamment se battre pour savoir qui nous confieraient aux autres durant la semaine à venir pour qu'à l'âge d'un siècle, un siècle et demi (dites, ça remonte à près de trois millénaires, je me souviens juste que Arwen n'était qu'une gamine haute comme trois pommes et demi), il soit décidé de faire souffrir Thranduil de notre présence en Vertbois.

C'est dans ces bois que nous avons appris tout ce que nous savons aujourd'hui de l'art du maniement de l'arc et de l'épée. Thranduil parvint également à nous faire entrer un peu de plomb dans le crâne, et même si ce pauvre Legolas eu à souffrir un temps de notre présence - rien de bien méchant, mais écoutez, c'est toujours amusant de convaincre un prince docile de transgresser les instructions paternelles -, les quelques décennies que nous avons passé en ces terres nous aurons offert la maturité que nous ne parvenions pas à trouver en Imladris. C'est comme ça que commença notre carrière de cavaliers parcourant les terres du milieu tout en tuant les orcs que nous croisions. Les orcs n'étaient cependant qu'un objectif secondaire à l'époque. Nous galopions, parcourions les terres, découvrions, et si quelque troupe d'orcs se trouvait sur notre chemin, nous combattions. Des journées et des semaines se passaient avant qu'on ne nous voit réapparaitre dans une cité elfique ou une autre. Bien que nous n'ayons jamais rechigné à passer quelques temps sur place pour une raison ou une autre. A l'époque, nous pensions cette belle époque sans fin, d'autant plus que nous savions parfaitement que, contrairement aux Dunedain avec lesquels nous chevauchions parfois, nous n'étions pas menacés par le temps, ce dernier n'ayant aucune incidence sur nous autres elfes.

Nos belles chevauchées prirent toutefois un tout autre sens lorsqu'en 2509 TA, notre route croisa celle de l'escorte blessée et en fuite vers Imladris de notre mère, que nous savions sur le chemin du retour à notre cité après avoir séjourné en Lorien. Nous avons éperonné nos montures jusqu'au delà de leurs capacités pour libérer notre mère des griffes des orcs qui l'avaient capturée et torturée et la ramener à Imladris, mais n'avons malheureusement pu qu'arriver trop tard pour qu'elle puisse s'en remettre. Je m'en suis voulu, je m'en veux toujours autant, et quand, après une trop longue attente, j'ai compris qu'elle ne pourrait pas remonter la pente qu'elle avait descendu, j'ai fait la seule chose qui me paraissait logique à l'époque. Tandis que mon frère restait loyalement à veiller sur elle, j'ai fui, n'emmenant avec moi que mon cheval et mes armes, me jetant à corps perdu dans le combat, ayant besoin de l'adrénaline du combat et du sang noir des orcs versé comme un drogué aurait besoin de sa dose quotidienne, mettant ma vie en danger au delà du raisonnable, comme habité par des tendances suicidaires incontrôlables.
Ce n'est que plusieurs semaines après le départ de notre mère pour Valinor que je l'ai appris par Elrohir, et c'est d'un commun accord que nous avons poursuivi cette traque des orcs, en son nom, dans ce désir de vengeance qui nous réunissait autant que la fraternité qui nous unit.

Un siècle durant, j'ai pourchassé cette quête de destruction totale et complète de la race des orcs, avant qu'une mauvaise blessure ne me force à rejoindre Imladris, que j'évitais pourtant comme la peste, trop de souvenirs douloureux y tenant place. Là, mon père a su trouver les mots pour combattre la tête de mule que je peux parfois être, et m'expliquer que quoi que je fasse, ce n'est surement pas seul que je conduirai la race des orcs à sa fin, et que s'il ne m'empêcherait pas de poursuivre cette folie si je le décidais ainsi, il ne voulait pas me perdre également par la faute de ces créatures. Quelque part, ça a réveillé quelque chose en moi, et si j'ai quitté la cité sitôt ma blessure soignée, c'était pour mieux rejoindre la Lorien et mes grands-parents, avec lesquels j'ai passé près d'un demi-siècle à me reconstruire doucement. Par la suite, si je ne laissais toujours pas en vie un orc se trouvant sur ma route, et s'il m'arrivais toujours de chasser aux cotés des Dunedain, j'"tais en paix avec moi-même, débarrassé de cette culpabilité qui m'a fait prendre de si sombres chemins. J'accordais mon attention à Imladris plus de deux fois l'année, et s'il était encore hors de question pour moi d'entendre parler de prendre un jour la suite de mon père à sa tête - j'ai un jumeau, il sert à ça! -, je parvenais à y rester quelques temps sans la fuir, et même à apprécier les quelques fêtes qui s'y déroulaient parfois. L'augmentation de l'activité orc au sein de la Terre du Milieu finit toutefois par me faire repartir à l'aventure, davantage pour protéger cette terre qui était la mienne que pour la vengeance qui animait autrefois mon cœur. J'avais suffisamment souffert de ces créatures pour ne pas accepter que d'autres en souffrent également sans que je n'y fasse rien. Bien entendu, mon frère était également de la partie, et Arathorn n'eut jamais à se plaindre de nous avoir accueilli au sein de ses troupes.

Aragorn, nous l'avons vu grandir, et perdre son père trop jeune, au cours d'un combat de plus contre un ennemi toujours trop nombreux. Nous l'avons recueilli, lui, dernier héritier des rois de jadis, et durant un battement d'ailes de papillon, ou une vingtaine d'années, notre père et nous-même devinrent une famille pour le renommé Estel. Un nom bien choisi quand on pense à l'espoir qu'il représenterait un jour pour tant d'hommes et de femmes au travers de la Terre du Milieu. Nous avons pris la route en même temps que lui, lorsque lui fut révélé son histoire et qu'il préféra devenir rôdeur plutôt que réclamer le trône qui était le sien et votre dévoué serviteur ne prendra pas le risque de critiquer ce choix, refusant lui-même les responsabilités qui furent les siennes. Si nous n'avons jamais eu dans l'idée de le suivre, suivant nos propres chemins, parfois ensemble, parfois séparés, mon frère et moi nous sommes parfois surpris à surveiller de loin ce fils des hommes qui resterait notre frère, et si nous n'avons pas pris sa suite lors du départ de la Communauté de l'Anneau, nous avons combattu à ses cotés sur les Champs de Pelennor, ainsi qu'à la Porte Noire.

La guerre achevée, nous avons assisté au couronnement du désormais roi du Gondor, Elessar, même si je continuais à l'appeler Estel jusqu'à notre dernière rencontre, ainsi qu'à son mariage avec notre sœur, finalement accepté par notre père malgré ses nombreuses réticences. A vrai dire, même s'il n'en dit jamais rien, je pense qu'il vaut mieux que Elrohir et moi-même évitions de lui faire perdre un autre enfant par l'attrait de la mortalité.
Nous retournions ensuite en Imladris, un temps, jusqu'à ce que notre père ne succombe à l'appel de la mer et ne rejoigne Valinor. Incapables de rester en place dans cette cité que nous aurions pourtant du tenir à sa suite, nous rejoignîmes ensuite l'Ithilien et Legolas, l'aidant un temps à créer cette communauté elfique qui lui tenait tant à cœur. Après son départ pour Valinor, Minas Tirith devint également notre foyer, aux cotés de cette partie de notre famille n'ayant pas pris la mer en direction de Valinor - notre sœur, notre beau-frère, nos nièces et notre neveu - et ce jusqu'au décès de Estel et Arwen. Lassés de ces terres et de la disparition progressive des nôtres, nous avons à notre tour répondu à l'appel des flots, accompagnés de certaines de nos nièces, repassant une dernière fois par notre cité natale avant de rejoindre à notre tour les Terres Immortelles et les êtres chers à notre cœur.

Cependant, là où la plupart des nôtres accueillent la paix de Valinor comme un cadeau, c'est la lassitude et l'amertume des souvenirs d'une vie passée sur d'autres terres qui berçaient mon cœur, et si je n'ai jamais relâché l'entrainement, comme si la prochaine guerre était pour demain, mon regard n'avait de cesse de se poser sur l'océan, comme celui de nombre des miens se sont posés sur son immensité avant moi, répondant à l'envie de rejoindre ces terres. Pour ma part, c'est de les quitter qui m'animaient. Comme un pressentiment m'affirmant qu'on avait encore besoin de moi ailleurs, malgré le fait que je ne puisse renier le fait qu'ici au moins, j'ai pu retrouver la personne qui a manqué à ma vie durant cinq siècles, ma mère.

L'histoire aurait pu s'arrêter la si de sombres nouvelles n'étaient parvenues jusqu’à Valinor. L'existence d'un héritier du Roi-Sorcier d'Angmar, le retour de nos trophées favoris, les orcs et leurs cousinage, mais surtout l'assassinat par ce Namoth Storgor de notre neveu Eldarion, il n'en fallait pas davantage pour que je décide de revenir sur la Terre du Milieu. Plus mon ombre que ma véritable ombre, il est évident que Elrohir est également du voyage. A présent revenus, nous ne comptons pas repartir avant d'avoir rendu les trones des royaumes des hommes aux hommes en en destituant Namoth, vengeant par la même la mort de notre neveu, de nombre de nos connaissances, elfes, humaines, naines et même hobbites, mais également notre roi Thranduil. Car la meilleure chance de succès face a ce nouvel ennemi est l'union des peuples libres de la Terre du Milieu.