Tout à commencé par un doux matin de printemps. Durant toute la nuit entière, ma mère avait bataillé contre ma volonté de rester un peu plus longtemps encore dans son sein, bien à l'abri. Le premier signe d'un caractère rebelle qui serait le mien encore à ce jour. Et pourtant, elle avait déjà donné naissance à deux enfants avant moi. Mon frère Danir fut le premier, l'héritier de la famille et la fierté de mon père. Vingt ans après venait au monde Khalan, ma soeur, à la plus grande joie de ma mère qui désespérait d'avoir un jour une fille. Et heureusement que ma soeur était née, car ça n'aurait pas été avec moi qu'elle aurait pu se réjouir d'avoir une fille digne de ce nom. Je m'étais faite désirée à ma naissance et je n'ai pas non plus été une enfant docile en grandissant. Notre famille descendait de l'une des plus vieilles lignées de la noblesse naine c'est vrai, mais pour moi cela ne signifiait pas la moindre chose à l'époque. J'étais une enfant après tout, un titre n'était rien de concret pour moi, tout comme les contraintes qui allaient de paire avec ce dernier. Je ne pensais qu'à m'amuser avec mon frère et ma soeur, à apprendre à tirer à l'arc avec mon frère et à tresser de l'osier avec ma mère. Une enfance innocente et pleines d'aventures en somme. Que je devais au sacrifice de mes ancêtres plusieurs décennies auparavant. Et par Aulë, j'aurais tant aimé que cette époque bénite reste ainsi ma vie entière.
Mais bien évidemment, tout ceci n'était qu'une douce illusion enfantine. Quand je fus en âge de comprendre certaines choses, ma mère commença à m'éduquer, comme ma soeur avant moi, afin de devenir un jour une bonne épouse, promise à se marier avec un nain issu des hautes sphères. Si ma soeur se réjouissait de cette perspective d'avenir, pour ma part, je la trouvais bien sinistre. Encore une différence majeure entre ma soeur et moi. Ce qui cependant ne nous avez jamais empêché de nous entendre à merveille. Nos caractères bien que radicalement opposés nous unissaient à vrai dire. Même si plus petite, je ne jurais que par mon frère. C'est sans doute lui qui a tant influencé mon caractère, bien plus proche de celui d'un homme aventureux que celui d'une femme, appelée un jour à devenir une épouse. Je dois l'avouer, parfois j'ai souhaité que ma vie soit toute autre, que je sois née dans une famille du peuple, tout simplement parce que depuis toujours, j'aimais à croire que je pouvais tout faire. Que rien n'était impossible à présent que la paix était revenue en ces terres et que notre royaume prospérait à nouveau. Je sais, j'étais bien naïve alors, mais peut-on m'en blâmer après tout ? Je n'avais pas choisis de venir au monde en portant ce nom, ce même nom qui m'enchaînait malgré moi à suivre une voie qui me conduirait vraisemblablement à vivre dans une cage dorée pour le restant de mes longs jours.
Fort heureusement pour moi, mon impétuosité était avérée depuis un moment déjà, de quoi décourager certaines prétendants pendant quelques années. Ma mère m'assurait que je finirais pas m'assagir, par voir que cette vie là pouvait être la mienne aussi. Que je devais prendre exemple sur ma soeur, qui elle déjà avait complété son apprentissage de la parfaite épouse. Mais je ne pouvais pas m'y résoudre, tout simplement. Pas encore en tout cas. J'étais trop fière et indépendante pour admettre ne serait-ce qu'un jour avoir besoin de la moindre aide qui soit. Déjà que je n'avais plus le droit de faire ce que je voulais quand je le voulais comme lorsque j'étais enfant, je trouvais souvent le temps long, à apprendre à faire la cuisine ou toutes autres activités associées aux devoirs qu'incombent à une bonne épouse. Il n'y avait guère que lorsque je pouvais partir à la chasse avec mon père que je me sentais vivante. Ou lorsque je me retrouvais seule. Ce qui évidemment déplaisait fortement à mes parents, car j'étais un peu une épine dans leurs pied à me conduire ainsi, bien loin du comportement qu'on serait en droit d'attendre d'une fille venant d'une famille comme la mienne. J'étais simplement encore un peu égoïste à ce moment là je pense, je ne ne voulais pas de cette vie là car on me l'imposait. Mais les choses changent et les personnes aussi, pas vrai ?
Je me faisais petit à petit à l'idée de devenir à mon tour un jour comme ma mère, une épouse dévouée à son époux, espérant peut-être qu'un jour Durin se déclare. Après tout, elle avait eut une belle vie ainsi, ça ne devait donc pas être si terrible que ça. Et cela m'aiderait peut-être à faire en sorte que ma soeur cesse de toujours me faire la morale. Car elle s'était déjà trouvé un fiancé à l'époque, un bon parti issu d'une autre grande lignée naine, au plus grand bonheur de mes parents, vous vous en doutez. Ce qui nous a éloignées peu à peu à vrai dire. J'ai été triste de la voir quitté le royaume avec son époux mais fort heureusement, j'ai trouvé du réconfort en passant du temps avec Kazadran. Ce qui hélas ne m'ôtait pas cette sensation d'être seule et d'avoir perdu une partie de moi-même. Mon frère avait lui aussi sa vie à vivre auprès de son prince et ma soeur n'était plus là. Je ne parvenais toujours pas à trouver ma place. Ayant pour ainsi dire perdu mes deux repères principaux, il était difficile pour moi d'accepter de passer à autre chose si facilement. Khalan n'est jamais revenue et je regretterais à jamais de ne pas avoir pu la revoir avant sa mort. Mais ça ne serait pas la seule perte douloureuse qui marquerait ma vie hélas.
La vie a pourtant continuée malgré tout ça. Je me suis retrouvée fiancée à un nain de bonne famille, ne pouvant plus véritablement retardé éternellement les plaintes insistantes de mes parents de me trouver un mari, j'avais fini par céder mais sans pour autant m'en réjouir pour autant, maintenant les apparences devant tous pour l'honneur de mes parents. Heureusement que je pouvais encore compter sur mon frère et celui que je considérais un peu comme mon fils pour m'apporter un peu de bonne humeur puisque mon beau-frère sembla s'éloigner de moi sans raison apparente. Kiris fut quant à elle un tout autre soutien pour moi, celui d'une confidente et d'une amie, celui d'une soeur de substitution sûrement aussi. J'ai finalement du appliquer tout ce que ma mère n'avait enseigné pour être une bonne future épouse et dans le fond, j'appréciais les efforts de mon fiancé pour accepter mon caractère. Il n'était vraiment pas quelqu'un de mauvais, il avait un cœur bon en dépit d'un léger manque de vivacité d'esprit. Mais la guerre menaçait à nouveau, un nouveau mal prenait ses racines en Terre du Milieu. Les hommes du royaume allaient devoir partir au combat comme nos ancêtres autrefois. La bataille d'Eryn Lasgale m'arracha mon frère ainsi que mon fiancé. J'avais à peine surmonter la disparition de ma soeur que tout recommençait à nouveau. Cette douleur qui vous consume tout entier de l'intérieur et ne semble jamais prendre fin, ce vide en soi que rien ni personne ne semble pouvoir combler.
J'étais donc seule à présent. Mais je ne pouvais pas m'abandonner à la tristesse cette fois encore. Je me devais de me montrer forte et pas que pour moi. Kiris avait elle aussi perdu un fiancé. Un point que nous avions en commun à présent. Mais elle savait que je partageais sa douleur car nous aimions toutes les deux Darin. Je devais à mon frère d'être présente pour elle mais pour les autres également. Comme je l'avais été jusqu'à présent, comme pour le fils adoptif de Durin. Pour lui, je me devais de vivre. Je porte encore le deuil de mon frère. Parfois je me réveille encore en me disant que tout ça n'est pas réel et qu'il va surgir un jour prochain, souriant et bien en vie. Que tout est encore possible. Ce qui ne rend le réveil que plus pénible à chaque jour qui se lève. Même si je sais bien que cela reste une illusion morbide. Je me questionne cependant quant à ce qui motive ma belle-famille à me tenir à présent en moindre estime alors que nos relations ont toujours été des plus cordiales jusqu'à ce jour. Sans parler de Durin qui s'éloigne encore un peu plus à présent... C'est souvent ainsi hélas, dans de sombres moments comme ceux-ci qu'on réalise tout ce qu'on peut encore voir disparaître alors qu'on croit déjà ne plus rien avoir à perdre. Et pourtant tout est à nouveau en danger puisque l'ombre revient une fois de plus dasn ces terres ancestrales et plus que jamais le peu qui reste encore est menacé. Une nouvelle ère se profile, mais sera-t-elle celle du renouveau ou la fin d'un monde ?